Questionnements sur les « nuits debout », des rituels au mouvement de classe

[ce texte reste en chantier, certains points y laissant encore à désirer…]

Mon impression c’est que ce mouvement démarre très mal : j’en vois une preuve dans le réaction reçues à certaines critiques exprimées de ma part à ses organisateurs à Toulouse. Si je les résume, elles témoignent qu’en dépit de leur affichage appelant le commun des passantes et passant à venir discuter en leur sein, les « nuits debout » procèdent on peut le craindre d’une opération de marketing de ce qu’il est devenu convenu d’appeler la « mouvance citoyenniste » …

Il est difficile de départager son marquage idéologique quand toute son éducation s’est inscrite dans un système diabolisant le communisme et l’URSS. Cela étant c’est plutôt la fréquentation de certains « marxistes prolétariens » forcenés qui dans mes jeunes années m’a conduit à m’en désolidariser. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le système marchand d’exploitation de ceux qui n’héritent de rien à part leur vie soit devenu ma tasse de thé. Toute mon adolescence j’étais resté ouvert à l’idée que le modèle soviétique ne soit pas comme on l’entendait encore souvent, « le mal absolu », car ses principes de centrage sur la satisfaction des besoins essentiels de tous m’ont toujours paru légitimes. Je portais aussi une grande admiration aux films de Kontchalovski et de Tarkovski, vus au cinema Cosmos, boulevard St Germain. Ceux-ci détonnaient face à la majorité des productions américaines ou occidentales dont à la sortie on ne retirait absolument rien en terme de carburant à réfléchir. Les production musicales « non sucrées » de l’europe de l’est m’enthousiasmaient tout autant. Les russes et plus généralement les pays de l’Est donnaient l’impression d’avoir peu de moyens, mais leurs artistes en faisaient une raison d’aller au fond des choses, de se concentrer sur les contenus et non sur le « contenant ». On entend dire aujourd’hui que cette créativité n’était que réaction à l’oppression, mais imaginerait-on pouvoir tourner en France aujourd’hui une fresque de trois heures dont seules les cinq dernières minutes seraient en couleur, autour de réflexions sur la foi, la créativité et le pouvoir, comme Andrei Roublev ?  Pour avoir laissé produire des films qui ne s’adressaient pas qu’à des pauvres cons, on peut accorder au soviétiques une toute autre considération pour leur peuple que n’en a le pouvoir français d’aujourd’hui qui subventionne les chtroumpf ou Taxi 12 par le biais du CNC.

Mais c’est en 1986 en particulier, au moment des mobilisations contre le projet de loi Devaquet, que me trouvant impliqué dans un atelier auto-géré au beaux-arts de Paris, la lecture que des militants marxistes se faisaient de l’organisation collective a commencé à susciter chez moi plutôt répulsion. Il s’érigèrent dans cet atelier en « bureau politique » et prétextant du manque de place dans la Cour des Études, en  vinrent à proposer n’admettre les nouveaux venus qu’à l’issue d’un processus de sélection! Rien que ce principe, rien que cette proposition pour moi tout à fait incongrue, m’a conduit à rejeter ce qu’à l’époque j’identifiais déjà comme un « sectarisme alternatif », ou tout au moins l’expression de véléités d’élitismes et qui m’aient toujours été ressenties comme fascisantes. C’est je pense dès ce moment là – je devais avoir une vingtaine d’années – que j’ai réalisé que la « militance de gauche » ou d’extrême gauche n’était qu’un moyen comme un autre pour les simples ambitieux frustrés, de tenter d’acquerir du pouvoir sur les autres. C’est là que j’ai commencé à reconnaître la critique générale du pouvoir, comme une nécessité au moins aussi importante dans sa portée pour l’évolution de la société, que l’est celle du capitalisme.

« Le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, et le communisme c’est l’inverse »
Michel Colucci dit Coluche (1944-1986).

J’ai sans doute eu la chance de croiser dans mon environnement domestique et scolaire bon nombre de personnes très attachées à reconnaître sa valeur universelle à tout être humain. Ceci explique sans doute mon propre attachement à ce principe et pourquoi je déteste toute idée ou initiative qui sur le fond le mette en cause. Pas une seule fois dans mon expérience des échanges avec autrui, je n’ai considéré sans importance de devoir mettre en horizon de ce principe les idéaux et propositions de transformations sociales qui m’aient été donné d’apprécier. En dépit de sa simplicité en effet, cette reconnaissance revêt un caractère éclairant dans nombre de domaines où s’exerce la relation allant de l’individu à l’individu comme celle allant de l’individu au collectif.

L’autre principe, l’autre règle de vie qui me guide est un peu plus ambigüe. Il s’agit d’un travers, d’un défaut de construction dont je me demande toujours si j’y attache de l’importance pour en être tant marqué moi-même ou parce que je le rencontre très souvent chez les autres. Je parle ici de la façon dont on soit capable de s’aveugler. S’aveugler par exemple jusqu’à participer à des initiatives et même à en encourager parfois, tout en ayant pleinement conscience de leur vanité, en ayant saisit de prime abord les travers qu’elles présentent. Il en va ainsi du bref intérêt que j’aie marqué ces derniers jours pour l’initiative des « nuits debout« . Tout en n’étant en rien naïf, il me semble avoir voulu m’en rapprocher alors que par le passé j’aie pu directement faire l’expérience tout à fait négative d’initiatives collectives relevant des « mouvances » dont elles émanent.

Ainsi lorsqu’il apparaît que la logistique de la-dite initiative sur Toulouse ait – pourrait-on dire – son « siège » à Mix’Art Myrys, je ne peux manquer de me rappeler ce que cette initiative là traîne de casseroles en terme de trahison. Il se trouve que j’aie été confronté deux fois avec eux aux choix que leur système de valeurs aient impliqués pour des personnes qu’ils n’aient pas hésité à laisser choir en chemin.

Rue Adolphe Coll, à leur première adresse de squatt, puis rue de Metz, la prétention bourgeoise de cette aventure là mérite qu’on la raconte. Elle me touche d’autant plus qu’elle détonne pour moi en terme de conception de l’artiste.

Rue Adolphe Coll c’était écrit en toute lettre dans leur projet : pas un mot sur la misère du logement, pas la moindre considération dans ce qui déjà était présenté aux autorités. On y avait déjà l’impression que le « squatt » ou qu’en tout cas ceux des occupants qui ne se réclamait là qu’en tant que squatteurs, n’était rien d’autre que des marche-pieds.

Cette association s’est toujours fait valoir auprès des autorités, municipales en particulier, comme une « initiative artistique » méritant uniquement de ce fait d’occuper les lieux où elle était installée. Cette revendication d’appartenance spécifique au monde de l’art et de la culture la situe d’autant plus comme une initiative bourgeoise qu’elle ait servi ainsi par deux fois à remettre à la rue d’authentiques squatteurs voire même d’authentiques artistes mais qui n’avaient pas goût eux à défendre l’idée d’un distinguo, pour ne pas dire d’une « sélection » là encore entre personnes ordinaires participant à une occupation collective à la fois par nécessité et par choix, et personnes porteuses d’un plan de carrière dans une « discipline » à faire-valoir à l’image positive des classes dominantes et de l’organisation sociale inégalitaire.

Ceux là ne tromperont personne qui se sont réclamés d’avoir plus droit que d’autres à un toît au-dessus la tête, parce qu’ils sont des bourgeois qui s’auto-proclament « créatifs ». Ceux là dans leur suffisance abandonnent à leur sort ceux qui ne sont pas « productifs », ou ceux dont l’activité n’est pas jugé « aussi noble » que la leur, par exemple pour la rue de Metz jusqu’à certains qui y assuraient de « basses oeuvres » qui si utiles aient-elles pu être au fonctionnement du squatt, n’avaient rien à voir avec les sphères du monde « culturel » (en réalité celui de la flagornerie entre-bourgeoise), au monde de la « reconnaissance » auquel ces gens aspirent.

Soyons clairs : ces gens là sont des laquais du pouvoir et du capital, qui peuvent donner l’impression de faire les clowns ou de mal s’habiller pour donner le change, pour prendre à défaut de l’esprit le « costume »  des artistes. Mais ils n’en sont pas pour une seule et unique raison : leur fraternité humaine, il n’hésitent pas à la vendre au plus offrant. Ils n’hésitent pas à laisser tomber leurs compagnons de misère si leur intérêt « artistique » est en jeu.

Au-delà déjà l’on pouvait estimer que portant (encore une fois) la revendication d’une « convergence des luttes », qui n’est qu’une vieille scie des partis politiques et syndicats de gauche et d’extrême gauche, on ait affaire tout autant aux « nuits debout » qu’à une opération planifiée de marketing politique et électoraliste. Car celle là on l’entend depuis les années 2000. Et le principe en est lui aussi connu. Il s’agit pour le moins de tenter de réunir des mécontents, en ayant pour projet de les convaincre que les causes de leur mécontentement puissant trouver une issue dans la coalition des uns aux autres, voire dans l’engagement dans l’une ou l’autre des organisations en réalité initiatrices en amont de l’opération.

J’ai lu récemment qu’on ait désigné seulement le PCF et le Parti de Gauche pour consister dans l’attirail des organisations en question. Je crois pour ma part qu’on puisse tout aussi bien supposer qu’il s’agisse plutôt de l’ensemble des mouvements politiques et syndicaux qu’on ait par exemple à Toulouse vu préparer à l’avance la canalisation des réactions populaires à l’explosion de l’usine AZF il y a seize ans, à savoir les Verts (EELV aujourd’hui), le PS (avançant masqué), La LCR/NPA, la CGT, la CFDT, la FSU, Sud, le PCF, le Parti de Gauche, le Front de Gauche, et d’autres, et qui, indépendamment de la bonne foi possible de certains de leur militants restent et demeurent en totale incapacité à construire isolément comme ils s’y obstinent, un changement qui là encore ne fasse plus le tri entre « militants reconnus » (pour disposer suivant leurs critères là encore de classe, d’une « conscience politique ») et clampins désespérés (mais par pour autant complètement cons).

« Les promesses rendent les fous heureux »
Marc Atteia.

Sur le fond que proposent ces gens-là ? rien moins qu’un maintient du statut quo bi-latéral qui continue d’année en année à tenter de persuader les masses qu’elles doivent choisir parmi deux camps bourgeois s’opposant sur leurs méthodes de domination, pour espérer sortir du système de domination en lui-même. En raccourci on a vu comment ça s’est passé en France au moment de la supposée « alternance » depuis Mitterand par exemple, mais plus récemment encore comment ça s’est passé en Grèce, sous couvert d’une supposée radicalité qui a aucun moment n’ait songé à remettre les pendules à l’heure.

Quelles pendules au juste ?

Et bien déjà celle qui aujourd’hui nous conduiraient à établir une différence autre que cosmétique entre un imbécile de droite et un imbécile de gauche. Je l’exprime comme cela pour considérer que le premier obstacle à des changements positifs de nos sociétés soit de fait notre imbécilité. Imbécilité à, comme je l’exprimai plus haut, vouloir ignorer ce que nous disent nos sens, à nous aveugler par exemple en succombant à l’illusion que les défis de notre futur puissent être si simples que la moindre doctrine pré-fabriquée nous permette de les surmonter. Imbécilité à vouloir à tout prix nous choisir un camps en désignant n’importe qui d’autre ou n’importe quel groupe comme viscéralement animé d’intentions malveillantes, quand bien l’on sache que pour ainsi dire aucun être humains ne soit, à moins d’être malade (et c’est exceptionnel) convaincu d’agir ou choisir en ce sens. Imbécilité à vouloir appréhender notre destiné spécifique autrement qu’au crible des quelques milliers d’années de structuration de la société sur des bases hiérarchiques, en n’essayant de sortir de cet héritage millénaire de la domination et n’ait pas, quoiqu’on s’emploie à s’en convaincre d’antériorité limitée à la seule ère bourgeoise et industrielle.

Il n’est pas question ici de vouloir absolument démentir la réalité de l’oppression impérialiste telle qu’elle se décline sans partage aujourd’hui sur la planète bien sûr, mais de signaler quand-même qu’entendre certains nous raconter des fadaises suivant lesquelles de simples changements des « personnes » qui se trouveraient désignées pour nous « diriger » nous aiderait à changer d’avenir relève d’un projet collectif aussi abrutissant que désespérant. Nous n’en sommes malheureusement plus à nous confronter au « besoin d’espoir ». Nous en sommes à devoir fournir un effort collectif pour remettre notre imbécilité à sa place. Et comme notre imbécilité est partout, c’est à chacune et chacun d’entre nous de la débusquer jusque-es-et y compris dans l’ensemble des mécaniques de fonctionnement collectif que nous ayons acquises et notamment dans cette manifestation aussi spectaculaire qu’elle est affligeante d’attente des « grands soirs ».

Quand j’entend à mots couverts promouvoir « la vraie gauche » comme une voie praticable de transformations alors que les faits démontrent qu’elle ne constitue plus aujourd’hui qu’un drain idéologique et politique vers la social-démocratie qu’elle n’a jamais cessé de conforter, cela au point d’avoir même renoncé à l’abolition des classes telle que décrite dans le Manifeste de 1871. Quand je constate que dans les quartiers populaires, il n’existe concrètement plus aucun dialogue entre les habitants issus de l’immigration et ceux qui voudraient croire que la France puisse redevenir le pays qu’ils connaissaient dans leur enfance, comme leur donne à imaginer les chansons des Le Pen, comment pourrais-je même imaginer qu’on se soit pas embarqué dans un tourniquet collectif ternaire de l’ordre du triangle de Karpmann ?

Nous devons comprendre ce clivage en trois groupes d’intérêt qui structure notre société aujourd’hui mais que ne recouvrent plus en rien les clivages politiques superficiels. Il y a d’une part la population d’origine immigrée et que nous avons le tort de désigner suivant les seuls critères qui caractérisent leur relégation : considérons qu’il s’agisse pour le moins de la part de notre population qui reconnaisse à sa bonne échelle la dimension de l’impérialisme et de son oppression. Considérons qu’il s’agisse d’une part de notre population qui plus que toute autre agisse au quotidien en toute solidarité à l’échelle internationale. On oublie trop souvent en effet que bon sombre d’immigrés et d’enfants d’immigrés adressent régulièrement de l’argent dans leurs pays d’origine et qui sert aux habitants de ces pays à tenter de ne pas crever. Quand j’entend des « bons français » juger explicitement que selon eux ces citoyens aient goût pour la misère et ne veuillent pas en sortir, je le renvoie directement à l’ignorance manifeste que l’idée même traduit des différences de modalités de survie entre le nord et le sud, entre les pays prospères et riches comme le nôtre et ceux que de fait, nous asservissons.

Ah oui, mais bien sûr, la France n’a rien à voir avec la petit roi du Maroc, commandeur des croyants et actionnaire d’à peu près tout ce qui compte de profitable en son fief. Elle n’a rien à voir non plus dans l’expérimentation de la politique de la terreur en laquelle consiste la bonne gestion de l’Algérie néo-colonisée des vingt dernière années. Non, la France c’est le pays des droits de l’homme, comme on l’apprend à l’école. Ce n’est ni le pays des entreprises de La Défense, ni encore moins celui des complicités entre services secrets pour maintenir au pouvoir les élites argentées et bien armées du pourtour de la méditerannée.
Je n’entrerai pas dans les polémiques sans fin sur les choix et pratiques religieuses, ou même les extrémismes auxquels certains s’efforcent de réduire l’équation sociale complexe à laquelle tout ceci renvoie…Je me contenterais de dire à ce sujet avoir croisé des copains du Liban ou de Syrie il y a même fort longtemps et dont il était sensible que la vision du monde, si laïque aurait-on pu la considérer, ne se faisait déjà aucune illusion vis à vis de la dépendance sans rémission des peuples au bon vouloir des puissants. Chrétiens ou musulmans, ils étaient logés à la même enseigne, celle de devoir se protéger des guerres et tenter d’y survivre.
Pour moi, les immigrés et enfants d’immigrés sont ceux qui en France représentent peut-être le meilleur de l’humanité qui nous reste.

« while there is a lower class, I am in it; and while there is a criminal element, I am of it; and while there is a soul in prison, I am not free »
Eugene Victor Debs (1855-1926)

Aux « de souche » populaires comme moi qui, partageant l’idée qu’un monde partagé soit encore possible ou comme d’autres qui ne s’inquiéteraient plus que de leur propre misère allant croissant sans égard pour celle qui motive celle ou celui habitant le même palier, de faire la part de choses et de déterminer à qui de fait ils doivent les calamités qui les affligent. Nous les devons sans doute à nos propres inerties face à l’imposition d’un monde déterminé par la puissance. Mais il ne s’agit pas de verser pour autant dans l’auto-responsabilisation exagérée notamment par des choix souvent bien antérieurs à nos dates de naissance. Il ne s’agit ni de cela, ni pour autant – ce qui traduit directement la raison de mon aversion pour le misérabilisme « de gauche » – de ne désigner que les riches comme responsable du désastre social et environnemental global dans lequel se trouve notre planète. Nous succombons trop facilement à cette « américanisation » des esprits qui tende à résumer de notre vision politique des choses à ce que nous avons dans notre assiette. Pour comprendre l’importance du contexte international et notamment des ressorts et des origines des pires oppressions à l’oeuvre, et pour ainsi reconnaître l’importance principale que revêt sur nos vie l’ordre international des choses, il faut sans doute en avoir été déjà un peu instruit. Et c’est assez difficile pour beaucoup aujourd’hui pour deux raisons : la première relève sans doute d’un synamitage pur et simple des programmes d’histoire et de géographie dans les classes antérieures au lycée (et encore) ; la deuxième tient sans doute au fait que de nos jours dans plus de 40% des foyers, la télévision soit allumée en permanence, diffusant autant de mensonges et de visions biaisées sur ces questions qu’il ne puisse procéder que d’un effort individuel volontaire et de longue haleine pour s’en dé-conditionner.

Pour ma part du moment où un mouvement comme les « nuits debout » mais c’est valable pour n’importe quel autre, à gauche comme à droite, se refuse de poser la conquête hégémoniste de la planète, autant en dénonçant la grande bourgeoisie actionnaire des transnationales qui la dirigent, qu’en dénonçant les êtres humains qui entendraient feindre ignorer qu’au quotidien ils ne fassent qu’objectivement la soutenir en la laissant faire, ne peut qu’être une entreprise de marketing et qui ne puisse profiter qu’à l’ordre inique des choses. Ce que j’affirme, ce faisant, c’est qu’en aucun cas la défense de nos droits propres légitime en quoi que ce soit de laisser passer l’oppression où qu’elle se situe. Je comprend bien que cette posture puisse être lue comme l’expression d’un vieux con qui ne trouve pas matière à s’amuser des véléités « festives » qu’il voit regulièrement inviter les « djeuns » à motiver à participer à ce qui ne pourrait être à son sens qu’une énième déclinaison d’un même spectacle politicien éculé.

Je finirais pour le moment par ma vision des riches, qui à mon avis partagent tout les atavismes d’imbécilité universelle citée plus haut et qui nous habitent. Quelque part, il se doit forcément trouver au moins cette excuse pour expliquer les raisons qui les faillent eux aussi gagater devant leurs assiettes et s’aveugler à l’égard du puits sans fond par lequel leur effort tend à tous nous enfoncer. Quand je disais encore plus haut fonder mon approche des valeurs autour de la reconnaissance universelle de l’être, il va sans dire que je ne saurais les en exclure. Bien sûr, succombant moi-même occasionnellement à l’imbécilité, il m’est déjà arrivé comme à d’autres d’imaginer des têtes de banquiers suspendues au boût d’une pique et d’avoir d’autres sentiments vindicatifs mais que je reconnais en réalité pour des manifestations de ma frustration. Je ne pense pas que la paix puisse se conquérir n’importe comment. Et donc je ne pense pas que les projets vindicatifs et dont il faille remarquer que pas une révolution véritable ne soit jusqu’ici parvenu à se démarquer, méritent qu’on les néglige ni qu’on ne les explique que par des héritages philosophiques ou religieux. Faire prévaloir la valeur universelle et imprescriptible de toute personne relève sur le fond d’un idéal complètement rationnel, et qui ne mérite seulement que d’être réflechi dans tous ses aspects et mis en oeuvre dans toutes ses dimensions.

De fait, l’effort en question présente l’inconvénient pour soi d’imposer le dynamitage de croyances faisant long feu, et notamment contrarie non seulement toute idée de mérite mais aussi et surtout d’utilité. Il ne s’agit donc pas seulement de lutter contre les atavismes qui nous conduisent à juger les personnes pour mal ou bienveillantes, mais en-deça de reconnaître au premier des légumes et à la dernière des abruties le droit d’exister sans considération quant au rôle ou aux responsabilités qu’on entendrait lui donner, et jusqu’à admettre sa potentielle adversité. Il s’agit évidement d’une prise de risque. Mais elle me paraît d’autant plus potentiellement féconde qu’elle s’inscrive rationnellement dans une opposition sans aucune ambiguïté à l’exigence utilitaire qu’impose aux êtres un ordre social en soi défini comme totalitaire. Le totalitarisme contemporain c’est en effet ce qui contraint à tous les niveaux de la société productrice-consommatrice globale d’aujourd’hui chacune et chacun d’entre nous à s’asservir à sa machine pour gagner le droit de survivre.

De nos jours la puissance de cette machine n’est pas simplement à envisager sous l’angle de l’échelle de ses ravages physiques, mais plutôt sous celui qui fasse qu’elle soit parvenue à nous convaincre d’une idée complètement fausse jusqu’à inverser en quelque sorte notre vision de sa réalité. Cette inversion, c’est celle de la relation parasitaire allant de l’énergie des peuples au profit du capitalisme. L’idéologie dominante, autrement dit l’idée des dominants et dont ils tentent en permanence de nous persuader, c’est que l’entreprise capitaliste soit pour nous la puissance nourricière qui garantisse notre survie. Alors que concrètement, l’impérialisme n’est rien d’autre qu’un corps parasitaire qui prospère et qui ait toujours prospéré directement au détriment des peuples.

Mais revenons à notre sujet qui est de questionner la nature d’un « mouvement » qui, plutôt que de proposer des principes à la fois clairs et significatifs de changements, évite soigneusement d’en afficher, en prétextant de le faire pour ouvrir aux « propositions » du bon peuple lui-même. Qu’est-ce que ça vous inspire, à vous ? Bien sûr ça peut donner envie de s’exprimer, dans une société où se raréfient de plus en plus les occasions d’échange. Mais que cela peut-il aussi vouloir dire ? Déjà, que les organisateurs puissent avoir très bien compris qu’en mettant sur la place publique les conceptions partisanes qu’ils entendent en réalité continuer à promouvoir sans pour autant les mettre en question, il y ait peu ce chance qu’elles se rallient plus de soutiens qu’elles n’en aient eu par le passé. Cela suggère qu’il s’agisse en réalité pour eux de les reformuler, d’en recycler la présentation, pour les compiler à constituer un programme électoral habillé comme quelque chose d’indépendant et d’innovant.

Cette démarche en elle-même est étonnante. Faut-il en statuer que de nos jours parler de lutte des classes ou d’impérialisme ne soit plus pertinent en termes de représentation du monde ? La question vaut d’autant plus d’être posée que les phénomènes cités deviennent de plus en plus embarrassant dans la gestion des coalitions de gouvernements dits « de gauche » (souvenons-nous par exemple du « mon adversaire, c’est la finance »). Proposer d’évacuer ces concepts en les reformulant dans un langage flou de gentils écolos altermondialistes peut certes effectivement remplacer une étude de marché coûteuse pour établir un programme électoral à l’échéance de 2017.

Mais enfin sur le fond, tant que rien de significatif ne s’exprime en terme ni d’intention concrète ni de représentation du monde, tant qu’ils restent sur « on converge, on lutte, mais on ne dit pas pourquoi » ou tant que ce pourquoi se limite à proposer s’opposer à telle ou telle étape de la conquête des droits des français à prospérer de l’exploitation en meilleure proportion que celle dont bénéficient leur réels dirigeant, il n’y a guère de quoi s’enthousiasmer…

Rappelons aussi, à toutes fins utiles qu’attendre de la réunion de certains frustrés obsédés par l’appétit de pouvoir avec des jeunes et moins jeunes dont le projet se limite à acquérir pour eux-mêmes une prospérité bourgeoise, quitte à l’acquérir au dépend des affamés du Sud, puisque pour certains la trahison n’en est pas une si l’on ne trahit pas sa classe, n’est-ce pas faire montre d’opiniâtreté dans l’entretien des illusions ?

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